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Envie de vous cacher dans les Alpes ? Rendez-vous avec l’esprit de Charlotte Perriand dans l’hôtel La Cachette, restructuré et rénové par l’agence Patriarche.
Entre mythique et culte, cet établissement- signé Charlotte Perriand et construit par les architectes Alain Taves et Robert Rebutato dans les années 1970 avec en toile de fond le panorama sur les chaînes de la Tarentaise - s’est refait récemment une beauté. Acquise par le groupe Friendly Hôtel, cette adresse incontournable des Arcs 1600 a été repensée, sans être dénaturée par la célèbre agence Patriarche. Mais c’est encore Fabienne Burdin, architecte scénographe et chargée de projet en design narratif, Constance Schmidt, architecte d’intérieur, et Bernard Maillet, architecte et directeur de l’agence, qui en parlent le mieux !
Un petit historique général?
L’hôtel La Cachette se situe au cœur des Arcs 1600, station de ski construite entre 1968 et 1972, conçue par un collectif d’architectes, l’AAM (Atelier d’architecture en montagne), dont Bernard Taillefer, Alain Taves, Robert Rebutato, Pierre Faucheux… sous a direction et le contrôle de Charlotte Perriand. « La Cascade» est emblématique de la station. Sous l’impulsion de Charlotte Perriand, le bâtiment s’incline pour offrir des façades, d’un côté très ensoleillées et ouvertes sur le paysage, et de l’autre, en surplomb au-dessus des entrées, protégeant ainsi les piétons. Les architectes ont repris ce concept « bioclimatique » de coupe,pour concevoir ensuite l’hôtel de la Cachette, ouvert d’un côté sur les massifs enneigés et de l’autre regardant la vallée.
Comment aborde-t-on un tel monument? Sous-entendu Charlotte Perriand!
Nous avons fait une première lecture du travail de Charlotte Perriand tout en nous intéressant à ce qui la définissait dans sa posture et dans son écriture architecturale : toutes deux empreintes d’une attention forte, portée à la justesse et à la pertinence d’un détail, à sa matérialité et à son adéquation avec ce qui l’entoure. Le projet consistait à concevoir un univers dont une des directions a été d’interpréter l’héritage de Charlotte Perriand... Cela en proposant un design «juste», tourné vers l’usage et le confort, tout en composant un projet d’architecture intérieure cohérent. Mais également celui d’affirmer l’identité forte et les valeurs de l’hôtel.
Doit-on s'en détacher pour pouvoir avancer et proposer « sa » propre vision ou s’inscrire dans une continuité ?
Notre intention première était de continuer à faire exister les écritures architecturale et spatiale de Charlotte Perriand, en surlignant notamment ce qui en fait l’identité : à savoir le cadrage des vues vers le grand paysage, ainsi que la relation entre l’espace intérieur et l’usager qui l’habite. Aussi pour prolonger certains héritages disparus lors de précédentes modifications, des pièces cultes de Charlotte Perriand, chinées ou rééditées viennent de nouveau ponctuer les espaces. La ligne directrice a également été de faire entrer la nature dans les espaces. Comme une invitation faite au paysage à se déployer d’étage en étage (et différent à chaque saison),l’intérieur et l’extérieur se font écho. Ainsi l’usager arpente un paysage intérieur…
Comment réussir à préserver un tel bâtiment, sans le défigurer ou le déformer par les mises aux normes actuelles?
Le bâtiment datant des années 1970 avait besoin de répondre aux conforts thermique et acoustique d’aujourd’hui, tout en conservant son architecture emblématique. Les éléments endommagés ont donc été remplacés pour répondre au mieux aux nouvelles normes. Pour unifier et moderniser les menuiseries d’origine mêlées aux structures ajoutées lors des transformations faites par les différents exploitants, l’ensemble des bois des charpentes a été repeint en brun gris. En ce qui concerne l’acoustique, de la fibre bois naturelle recouvre les plafonds.
Nécessitait-il une mise aux normes « esthétique » ou plus contemporaine?
La vision contemporaine souhaitée dans notre travail est proche de l’identité architecturale de Charlotte Perriand, déjà très contemporaine. Le contexte actuel incite aujourd’hui à une reconnexion avec la nature, à être au plus proche de l’environnement. Le parti pris spatial devait donc répondre à cette recherche. Un travail sur la transparence des espaces intérieurs et les cadrages face à cet exceptionnel panorama du massif de la Vanoise coulait de source. Des matériaux simples, chaleureux et locaux étaient également indispensables : épicéa pour l’agencement, tissus en laine Arpin (Savoie) pour les rideaux et les coussins des chambres, un revêtement 100% naturel composé de foin compressé et de fleurs d’alpages (Super Organic Oberflex) pour les placards. Enfin, de nombreux éléments de mobilier et de décoration sont issus de la plateforme Selency, spécialiste du mobilier vintage chiné, dans l’idée de l’héritage Charlotte Perriand.
Quels sont vos apports, votre signature ?
Un hôtel des années 1960 n’avait pas le niveau de confort attendu aujourd’hui : des salles de bains étroites, des matériaux peu chaleureux. Le projet architectural s’est concentré à composer un hall attractif, véritable lieu de rencontre entre les clients et les professionnels de la montagne. Et très important : connecter la restauration à l’hôtel. Il était très inconfortable pour les usagers de transiter par la longue et étroite galerie de liaison entre les chambres et le restaurant. Le positionnement d’un espace central, en lien avec la terrasse extérieure, devient le centre de gravité de l’ensemble hôtelier, rendant le lieu très convivial. Cet espace s’inscrit également comme un signal tout en transparence, visible depuis la place du Soleil. Pour ce qui est des chambres, elles ont été remises au goût du jour, offrant une ambiance chaleureuse, une justesse des formes de l’agencement et un lien visuel fort avec le paysage. Les teintes des moquettes aux motifs vaporeux rappellent le ciel ou le flou d’un paysage, les coloris des alcôves sont inspirés de la nature, une lampe pivotante dessinée par Charlotte Perriand est posée sur le bureau, une banquette à hauteur d’allège de fenêtre offre un lieu de lecture ou de contemplation de la montagne.
Hors-Série Luxe & Montagne
1er décembre 2022